La mésaventure de Martin Letourneur en SUP foil

27/02/2020

Parmi les tous meilleurs français en SUP race et grand adepte du SUP foil, c’est une belle frayeur que s’est faite Martin Letourneur le mercredi 26 février lors d’un downwind entre Bandol et Six-Fours dans le Var. Dans ce long récit, il revient sur les circonstances de cet accident qui heureusement se termine bien, la preuve s’il en est que tout peut basculer en un instant et que, comme en montagne, l’humilité reste toujours de mise face aux éléments…

 

"Mauvaise expérience aujourd’hui lors d’un downwind en SUP Foil qui a mal tourné. Avec de grosses conditions de mer et une erreur de navigation, j’ai perdu tout mon matos en passant à proximité d’une pointe rocheuse, après une bonne nage je m’en sors indemne mais ça aurait pu mal finir. Comme il y a de plus en plus de foilers et que tout le monde n’est pas bien préparé aux accidents, je vous invite à lire ci-dessous ce qui s’est passé exactement et la manière dont j’ai agi en espérant que ça puisse éviter que quelqu’un d’autre vive cela :
 

Parcours : De Bandol/Île Rousse à Six-Fours-les-plages (8 km)
Conditions : Vent de 30 nœuds + forcissant avec une mer très formée (creux de 3 mètres)
Heures de départ : 10h à l’Île Rousse
Heure et lieu de l’accident : 10h20 entre la pointe rocheuse et la Balise de La Cride
Matériel : Planche de SUP foil 5’7x24 équipée d’un foil de 1250 cm² + pagaie carbone + gilet gonflable ceinture (qui ne fonctionne plus)
Tenue : Combinaison néoprène intégrale de 3/2 mm
Niveau de pratiquant : Confirmé (compétiteur)
Capacités physiques : Entre moyennes et bonnes, manque de pratique sportive (surf, foil) régulière, pas de pratique régulière de la natation, capacités d’apnée limitées.
Connaissances du lieu : Moyenne, je n’y suis passé qu’une dizaine de fois max.

 

Je partais ce matin pour un parcours de downwind court en SUP foil entre Bandol et Six-Fours avec Jules Langlois et Martin Vitry. Les conditions de mer sont déjà fortes et annoncées forcissantes. Nous sommes tous les trois des pratiquants confirmés de SUP race et SUP foil et avons déjà été de nombreuses fois dans des conditions similaires et supérieures. Le vent de 30 nœuds avait un bon axe mais la houle générée arrivait de côté donc il n’était pas facile de voler en travers pour effectuer la première partie du parcours et passer au Sud de la Cride. Jules est rapidement parti en tête, puis je l’ai suivi à une centaine de mètres et Martin était derrière moi à une centaine de mètres également. Au moment de passer à proximité de la Cride, je me dis ne voyant pas trop de vagues déferler que ça doit passer facilement entre la balise et la côte. J’y étais passé sans encombre hier et avant-hier et ça m’arrangeait bien car ça m’évitait de faire un détour pour la contourner.
A ce moment-là, je vais aux environs de 20 km/h et je me concentre pour passer rapidement en surfant sur la houle qui se forme avec les haut-fonds. Aucun souci jusqu’à ce que j’arrive à la zone sur la 3ème photo. A ce moment-là, je vois un mur blanc qui déferle 10 mètres derrière moi, je pompe au maximum pour essayer d’arriver au-dessus d’un trou d’eau afin d’être safe mais elle me rattrape. Je saute en envoyant ma planche et le foil devant juste avant que la mousse ne m’éjecte d’elle-même pour ne pas subir la chute. Dès que la vague me prend, le leash se décroche. Je suis toujours sous l’eau avec ma pagaie en main et à ce moment-là je me dis que ça va être chiant de récupérer ma planche. Les remous et le courant sont forts, je reste bloqué sous l’eau et décide de lâcher ma pagaie qui se prend dans les remous et me gêne pour remonter à la surface. Ce moment semble durer une éternité même si ça n’a probablement pas durer plus de 10 secondes. Au bout de quelques brasses, je parviens à retrouver la surface et je n’ai plus de matériel. Je vois un second mur blanc s’abattre sur moi 2 secondes plus tard et c’est à ce moment précis que je réalise vraiment la dangerosité de la situation : ce n’est pas une simulation, j’ai peur et je n’ai pas le droit à l’erreur. Je décide de ne SURTOUT PAS céder à la panique. Je sais qu’avec des conditions de mer comme ça il y n’y a presque aucune chance que Martin Vitry ne m’ait vu chuter. Je sais que je ne peux que compter sur moi pour m’en sortir.
Cette seconde vague ne me garde pas longtemps sous l’eau, dès que je remonte à la surface, j’observe ce qu’il y a autour de moi. Les vagues se fracassent contre des rochers aiguisés, je balaie l’hypothèse de m’en rapprocher et j’essaie de repérer une zone sans déferlement. Je commence à nager une brasse lente et régulière avec pour objectif de ne pas paniquer, de bien observer les mouvements d’eau pour ne pas boire la tasse. Je repère l’accès à la mer d’une maison avec des escaliers au nord de la pointe. Ce n’est pas super proche mais j’espère y trouver une sortie de l’eau abrité. En me rapprochant, je vois que ça le fait pas, mais il y a une crique un peu plus loin dans laquelle les vagues s’écrasent : j’estime alors que c’est ce qu’il y a de mieux et je m’en rapproche. Je nage déjà depuis une quinzaine de minutes pour à peine 300 mètres et l’arrivée dans la crique au milieu des rochers est compliquée entre l’eau qui se retire sous les pieds et les vagues qui déferlent à moitié. Avec le courant, je ne parviens pas à atteindre l’endroit visé et je finis au niveau d’un bloc de rocher. Je vois qu’il n’y a pas de grosse vague à ce moment-là et je parviens à mettre pied sur le rocher et m’extirper de l’eau. Le bloc de rocher est relié à la falaise et me permet de me mettre à l’abri. Je suis tiré d’affaire.
A ce moment-là je retrouve deux promeneurs qui me prêtent un téléphone pour joindre quelqu’un. J’appelle d’abord ma mère car c’est l’un de seuls numéros de téléphone que je connais pour qu’elle puisse prévenir Nathalie Langlois que je ne suis pas arrivé à Six-Fours et que Jules et Martin ne doivent pas s’inquiéter ni appeler le CROSS. Juste après j’appelle moi-même le CROSS pour les prévenir de la situation afin qu’ils ne déclenchent pas les secours si quelqu’un les prévient qu’une planche dérive seule le long de la côte. UPDATE : Martin Vitry vient de retrouver ma planche…

 

J’en retiens les choses suivantes
Ce qui m'a sauvé : Être en combinaison intégrale 3 mm (flottaison et liberté de mouvement) et ne pas paniquer (j’ai conscience avant de démarrer que ce genre de situation est un risque réel de ma pratique et j’étais mentalement prêt à l’affronter)
Ce qui aurait aidé : Eviter cette zone risquée (j'ai sous-estimé le danger), être plus visible (tenue fluo), avoir un gilet abdominal à déclenchement manuel (le gilet ceinture aurait été plus gênant qu’autre chose dans ce contexte), avoir un téléphone/VHF ou un bracelet DIAL (j’aurais très bien pu atterrir dans une zone non visible et inaccessible aux piétons sans être capable de trouver de l’aide), être en meilleure condition physique (entraînements d’apnée et de natation nécessaires pour affronter sereinement ces situations).

 

Merci de m’avoir lu. Je ne souhaite à personne de vivre ça et j’espère que ce partage d’expérience peut aider certains pratiquants à mieux se préparer pour ce genre de sortie. En attendant de retrouver du matériel je vais m’équiper d’un bracelet DIAL (by Les Sauveteurs en Mer - SNSM - ça coûte que 150 euros et ça peut sauver la vie) et surtout mieux m’entraîner (natation, apnée) pour les prochaines sorties de downwind musclées…"

 

Pour en savoir plus sur Martin Letourneur : www.facebook.com/mletourneursup

 

Source : Martin Letourneur
Photos : Martin Letourneur

tags: Martin Letourneur

Articles similaires

Winter Cruise

Une fois n’est pas coutume, c’est une vidéo de surf, et de longboard plus...

Martin Letourneur à Saint-Malo

Garçon dont le destin et le cœur oscillent entre la Bretagne et la région...

Winter Escape

Membre du team Hobie et très bon SUP racer comme SUP surfer, c’est un bel hiver...
comments powered by Disqus
Gestion de vos données sur le site Windsurfjournal
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies ou autres traceurs pour vous proposer par exemple, des publicités ciblées adaptées à vos centres d’intérêts ou encore réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus fermer