Surf Thérapie, l’interview

02/07/2010

Médecin généraliste à Biarritz, Guillaume Barucq est aussi un surfer et un SUPer qui milite depuis de nombreuses années au sujet des bienfaits de l’océan au quotidien. Auteur de Surf Thérapie sorti il y a quelques jours, nous avons voulu en savoir plus sur son livre, le trait d’union avec le SUP dans cette thérapie et enfin son opinion sur la pratique. Interview…

 

SUPJournal.com : Une image de SUP pour illustrer un livre qui parle de surf et de thérapie, c’est un visuel qui s'est imposé de lui-même ?
Guillaume Barucq : Cette photographie de couverture est le fruit d’une recherche dans le catalogue bien fourni de Tim McKenna. Je n’étais pas parti spécialement dans l’idée de choisir une photo de SUP mais cette image résume à elle seule l’esprit du livre. On y retrouve la mer et on devine au loin des vagues avec la montagne en toile de fond. On se rend bien compte que le Stand-Up Paddle est le meilleur moyen de profiter de l’environnement marin grâce à la position debout qui offre au surfeur une vision panoramique. La jeune femme sur la photo semble faire une pause pour admirer la nature et se ressourcer. Cette photo a été prise à Tahiti mais elle me rappelle des visions paradisiaques que j’ai pu avoir lors de SUP trips en Corse ou dans le sud de la Côte Basque. Pour ne rien gâcher, la fille sur la photo semble avoir profité des bienfaits du SUP qui est une activité de premier choix pour lutter contre la cellulite et se sculpter de belles jambes, comme je l’explique dans le livre Surf Thérapie. Je précise que ce livre n’est pas du tout la suite du Surfers’ Survival Guide : il s’agit plutôt d’un livre sur le bien-être en bord de mer qui intéressera aussi bien les jeunes femmes qui ne surfent pas encore que les surfeurs qui ont envie de pratiquer leur activité différemment.

 

SUPJ : En quoi consiste la surf thérapie exactement et quel est finalement le contenu du livre autour de ce thème ?
GB : La Surf Thérapie est utilisée depuis plusieurs années dans différentes indications sans que personne n’ait officialisé son existence en la baptisant réellement. La Surf Thérapie est déjà proposée à des enfants autistes ou à des jeunes atteints de mucoviscidose pour améliorer leurs symptômes. Elle est utilisée avec un grand succès par l’armée américaine pour rééduquer des soldats victimes de la guerre en Irak ou en Afghanistan. Plusieurs initiatives ont également vu le jour dans le monde pour permettre une cure de désintoxication par le surf à des personnes toxicomanes ou alcooliques. Le terme de "surf thérapie" était jusqu’alors utilisé de manière informelle. J’ai voulu rassembler toutes ces expériences dans un livre qui poserait les bases de la "Surf Thérapie" en tant que thérapie à part entière. Au même titre que des thérapies complémentaires comme l’art-thérapie ou la musicothérapie, le surf peut apporter un plus à la prévention et au traitement de certaines maladies. Le surf est également un excellent moyen pour garder la forme et pour prévenir certains problèmes de santé fréquents comme le stress, la dépression, le surpoids ou certaines douleurs… Je propose dans le livre ma propre version de la Surf Thérapie qui consiste à surfer en moyenne 30 minutes par jour, 3 à 5 jours par semaine. On peut aussi bien effectuer sa Surf Thérapie sur une planche de stand up paddle que sur un shortboard, un longboard ou une planche à voile. Peu importe la planche, pourvu qu’elle nous permette de nous dépenser physiquement tout en profitant de la richesse exceptionnelle de l’environnement marin. La Surf Thérapie est en quelque sorte une thalassothérapie naturelle sur une planche. J’ai envisagé la Surf Thérapie au sens large, en considérant que toutes les activités de glisse dérivées du surf pouvaient y être incluses. Pour moi qui surfe depuis toujours, il ne fait aucun doute que le SUP, c’est bien du surf, même sur le plat ! Quand je pars en balade en SUP sur une mer calme, je retrouve les sensations du surf malgré l’absence de vagues. Je considère que les adeptes du SUP sont des surfers, n’en déplaise à certains shortboarders un peu étroits d’esprit. La première partie du livre Surf Thérapie donne des explications pour mieux comprendre pourquoi pratiquer une activité physique en bord de mer est aussi bénéfique pour la santé. J’y explicite les bienfaits de l’eau de mer, du climat marin et du soleil. Le livre aurait presque pu s’appeler "Océan Thérapie".

 

WJ : La pratique du SUP semble avoir une importance particulière à tes yeux, en témoigne ton site où tu déclarais dernièrement que tu as eu deux grands moments dans ta vie de surfer, le jour où tu es passé du bodyboard au surf puis du surf au SUP ?
GB : Tout à fait. Comme de nombreux surfers et bodyboarders, je m’étais mis à ressentir des douleurs dorsales après des années de pratique car en surfant ou en ramant allongé, on sollicite son dos dans une position qui n’est pas physiologique. Ces douleurs avaient tendance à limiter la durée et la fréquence de mes sessions. La découverte du stand up a complètement résolu ce problème en ce qui me concerne. Après les quelques courbatures inévitables pendant l’initiation, je n’ai plus jamais eu mal au dos. Deux explications : en SUP, on se tient bien droit et on travaille de façon efficace son gainage musculaire (renforcement de la musculature dorsale et abdominale) qui permet de soulager la colonne vertébrale. Je précise que je continue à pratiquer occasionnellement le surf et le bodyboard quand les conditions s’y prêtent. Le SUP a littéralement changé ma vie de surfer. A côté des nombreux avantages du SUP que je décris dans le livre, cette activité me permet également de partager ma passion pour la glisse en bord de mer avec des personnes qui n’ont jamais surfé. J’ai initié ma compagne et des amis au SUP qui ont tout de suite pris du plaisir. Malheureusement, il n’est pas encore évident de s’initier au SUP en France. Les deux facteurs limitant sont le manque de disponibilité des planches sur les plages (et les difficultés pour les transporter) et surtout le manque de moniteurs, en l’absence de diplôme qui permettrait d’initier les gens au SUP en mer calme. A l’heure actuelle en France, il faut être professeur de surf pour initier des débutants au SUP quand il n’y a pas de vagues. C’est d’autant plus aberrant que certains profs de surf ne savent même pas monter sur un SUP et n’ont aucun intérêt pour cette discipline !

 

SUPJ : Tu es également un fervent défenseur du port du casque pour lequel tu milites depuis un moment déjà en surf et que tu portes également en SUP... L'accidentologie entre les deux sports est-elle similaire ?
GB : Je n'évoquerai ici que les risques liés au SUP dans les vagues, bien plus accidentogène que le SUP sur plan d'eau calme. Que ce soit en SUP ou en surf, la dangerosité vient surtout des planches que nous utilisons. La planche est impliquée dans environ 8 accidents sur 10. On imagine bien qu’avec des planches plus lourdes comme certains stand up paddle boards, le risque de traumatisme est encore plus important. Plus de la moitié des accidents sur les spots de surf touchent la tête, d’où l’intérêt de mettre un casque dans les vagues. Je portais déjà un casque quand je faisais surtout du shortboard, mais maintenant que je me suis mis au SUP, je le porte encore plus souvent ! Le risque en SUP est de s’assommer avec sa planche, de perdre connaissance et de se noyer. Il ne faut pas croire que les accidents de SUP n’arrivent que dans les grosses vagues. Le casque m’a déjà permis d’éviter un sérieux accident dans de toutes petites vagues : en fin de vague ma planche s’était enfoncée dans l’eau et à la faveur d’un "effet bouchon" elle s’est envolée et est retombée sur ma tête : sans mon casque, je me serais grièvement blessé vu la violence du choc… Quand je vais surfer en SUP, je constate que je suis souvent le seul à être casqué alors que ce sont surtout les autres qui en auraient besoin... Il faut encourager le port du casque pour les pratiquants de SUP. De plus en plus de SUP surfeurs en portent dans les vagues. Je conseille également à tous les pratiquants de SUP de s’équiper de dérives à bords souples pour prévenir les plaies par aileron. Il faut également se méfier du leash qui peut occasionner de graves blessures s’il s’enroule autour d’un bras ou d’une jambe sous l’effet de la traction de la planche emportée par une vague (ne jamais essayer d’attraper le leash par la main quand on passe sous une vague). Plus la planche de SUP est volumineuse, plus le leash peut être dangereux. Il est néanmoins indispensable pour éviter de perdre sa planche, que ce soit sur un spot de surf ou en balade au large. La sécurité en SUP devrait être une priorité si on souhaite développer ce sport. C’est surtout le SUP dans les vagues qui pose problème. Mais comme pour le surf, j’ai l’impression que l’on commence par vendre un maximum de planches avant de se poser la question de la sécurité sur les spots. Il ne faut pas attendre qu’il y ait des accidents pour étudier le problème. En ce qui me concerne, j’encourage avant tout la pratique du SUP en eau calme. Sur les spots de surf, c’est une toute autre histoire. Qu’on le veuille ou non, le SUP dans les vagues est risqué, même si un petit stand up sous les pieds d’un rider qui maîtrise est moins dangereux qu’un gros longboard surfé par un débutant… Si le SUP doit se développer dans les vagues, il faut songer à promouvoir  l’utilisation de planches plus légères en mousse. Une chose est sûre, les débutants en SUP avec des planches dures n’ont pas leur place sur les spots de surf au milieu des autres surfers. Le SUP dans les vagues devrait être réservé à des pratiquants confirmés qui maîtrisent leur planche, même si cela n’est pas une assurance tous risques contre les accidents. J’ai d’ailleurs consacré une rubrique à la sécurité en SUP sur le site Surf Prevention : www.surf-prevention.com/fiche-sup-et-securite-104-4.php.

 

SUPJ : Finalement si le SUP n'avait pas existé, penses-tu que ton livre Surf Thérapie aurait vu le jour ?
GB : Non, je n’en suis pas sûr. Ce qui m’intéresse en tant que médecin est de proposer une activité physique réalisable par la majorité de mes patients. Ce n’est clairement pas le cas avec le surf dans les vagues qui est trop élitiste. Avec le SUP sur le plat, la glisse s’offre à des catégories de personnes qui n’auraient jamais pensé monter un jour sur une planche de surf. Il y a beaucoup de personnes âgées dans la station balnéaire où j’exerce et j’incite certains de mes patients retraités à se mettre au SUP sur un plan d’eau plat, avec le matériel et l’accompagnement adéquat pour débuter, pour entretenir leur équilibre et prévenir les chutes. On connaît déjà le SUP fitness pour se mettre en forme. Je crois beaucoup aux applications médicales du SUP dans la prise en charge complémentaire de certaines pathologies, dans les suites d’un accident, pour des personnes âgées voire pour des femmes enceintes en début de grossesse dans des conditions que je décris dans le livre. Le SUP est pour moi un excellent moyen de rééducation, bien meilleur que toutes les planches d’équilibre que l’on peut imaginer. Le SUP a sa place dans les centres de rééducation ou de thalassothérapie. Au même titre qu’il existe des centres de thalassothérapie, j’imagine assez bien des établissements de Surf Thérapie en bord de mer, où le stand up paddle serait proposé pour la remise en forme des curistes. Le SUP est aussi un moyen pour lutter contre le stress ou la déprime. Après une bonne session de SUP, on se sent mieux dans son corps et dans sa tête. En ce qui me concerne, j’ai la banane tous les jours depuis que je me suis mis au SUP, et je ne connais plus la frustration des jours sans vagues !

 

Pour en savoir plus sur le livre Surf Thérapie : www.surf-therapie.fr

tags: interview Guillaume Barucq Surf Thérapie Surf Prévention

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